Dans nos deux précédents articles en ligne: “Risque aviaire et drones ?” et “Risque de collisions des drones avec des avions” nous avions étudié le péril aviaire et le risque de collisions des drones avec des avions de lignes. Cette publication de l’EASA (Agence Européenne de la Sécurité Aérienne) tombe a point et précise la position de l’Europe, avec des recommandations pour prévenir le risque de collisions de drones avec des aéronefs habités que nous avions étudié dans notre précédent article. Elle cite même les études que nous vous avions présentées, dans ses références bibliographiques. Pour cette raison, nous vous invitons, en préambule, à relire notre précédent article: “Risque de collisions des drones avec des avions“.
“Collision task force” de l’EASA ?
L’EASA (Agence Européenne de la Sécurité Aérienne) a créé le 4 mai 2016 un groupe de travail: “Collision task force” dont l’objectif était d’évaluer les risques engendrés par une collision entre un drone et les différentes catégories d’aéronefs, à savoir les avions lourds, les avions d’aviation générale et les hélicoptères. Ce groupe de travail a étudié la vulnérabilité des aéronefs au niveau des pare-brise, des moteurs et de la cellule. Elle a également évalué l’opportunité d’approfondir les recherches sur le sujet.
La “Collision task force” était composée de 9 experts travaillant à l’EASA (Agence Européenne de la Sécurité Aérienne) et de 6 représentants de l’industrie aéronautique: Airbus (1), Airbus Helicopters (1), Dowty (1), Safran (1), Gama (2).
La “Collision task force” de l’EASA a publié son rapport final, en anglais, début octobre 2016.
Un autre groupe de travail a été mis en place par l’EASA pour étudier le géorepérage, ou geo-fencing. Ces deux groupes de travail sont complémentaires: le premier étudie les conséquences d’une collision entre un drone et un aéronef classique; le second évalue la contribution du geo-fencing à limiter les risques de collision.
Ces deux groupes de travail de l’EASA s’inscrivent notamment dans le cadre d’un projet de règlement européen qui devrait être publié prochainement. L’objectif serait de prévoir des dispositions communes européennes afin de clarifier la situation pour les fabricants et les exploitants de drones, d’intensifier le développement du secteur et de fournir un niveau de sécurité uniforme dans l’ensemble de l’Union Européenne.
Organisations consultées par la “Collision task force” de l’EASA ?
Dans le cadre de son dernier rapport, les organisations suivantes ont été consulté:
- Industrie des drones: 3DR, DJI Europe BV, Drone Alliance Europe, GoPro, gplus Europe, Parrot, Yuneec Europe GmbH;
- Compagnies aériennes: British Airways et EasyJet;
- Industrie aéronautique dont un très grand nombre de constructeurs et motoristes: Airbus, Airbus helicopters, Bull helicopters, Boeing, Bombardier, Dassault, Dornier Seawings GmbH, Enstrom, general Electric, Honeywell, MT-Propeller, Quest Aircraft Company, Rolls-Royce Corp., SAAB, Safran Aircraft Engines, Sikorsky, Tecnam, UTC Aerospace Systems, RUAG Aviation, Nextant, Robinson, Zlin Aircraft a.s., Textron, Piper Aircraft Inc., Honda Aircraft Company….;
- Organisations gouvernementales et autorités aériennes: DGAC pour la France, FAA pour les USA, CAA pour la Belgique, ANAC pour le Brésil, ENAC pour l’Italie…;
- Associations ou groupements d’industriels: Aerospace industries Association (AIA), AeroSpace and Defence Industries Association of Europe (ASD), Auropean Cokpit Association (ECA).
Données sur les événements présentés par la “Collision task force”
La “Collision task force” présente en introduction, les événements qui mettent en cause des drones (RPAS) avec des aéronefs par années, issus des données de l’EASA, de l’European Central Repository (ECR), recueillies auprès des autorités aériennes nationales et de l’industrie. La période va de 2010 au 31 mai 2016:
[error]Dans son rapport, la “Collision task force” met en garde sur la qualité des données disponibles pour cette analyse qui n’est pas conforme aux normes et codage des événements dans l’European Central Repository (lire l’encadré à la suite) qui pourrait être amélioré. En effet, beaucoup des rapports d’événements qui y sont enregistrés contiennent de simples observations de drones. Mais en raison de la vitesse de l’aéronef et de l’apparition soudaine de ces objets volants, ainsi que des limitations humaines, il est reconnu que dans certains cas, le drone perçu pourrait être en fait un oiseau ou un simple sac en plastique. C’était le même type de limites qui avait été mis en avant par certains, concernant l’utilisation de données de la FAA, dans son rapport, qui s’inscrivait dans le cadre de la nouvelle réglementation sur les drones aux USA.[/error] [info]The European Coordination Centre for Accident and Incident Reporting Systems (ECCAIRS) constitue une base de données centralisées (European Central Repository) sur les accidents et incidents dans le domaine de l’aviation. ECCAIRS met en oeuvre la Directive 2003/42/EC sur les rapports d’événements dans l’aviation civile en proposant une méthode centralisée et standardisée de collecte, de partage et d’analyse des données de sécurité liées aux accidents et incidents aériens. Son accès n’est pas ouvert à tout à chacun et public (open data). Il est réservé aux seules autorités autorisées.[/info]
Au cours de la période 2010-2016, trois collisions entre avions non commerciaux et drones ont été signalés et ont donné lieu à des enquêtes par les états membres de l’EASA. Une des Collisions concerne les États-Unis d’Amérique. Les trois collisions connues qui se sont produites en Europe ont causé des dommages d’une valeur de 1 400 livres Sterling (GBP) soit 1 652 euros, sur un avion Pioneer 300 au Royaume-Uni, des rayures sur l’aile d’un Robin DR400 français, et aucun dommage concernant le train d’atterrissage d’un Grumman AA-1.
Comme ce rapport porte sur les collisions, il convient de noter qu’il y a plus de 19 ans, le 3 août 1997, il y a eu une collision en vol entre un planeur à moteur de tourisme de type Grob G109B et un modèle réduit d’avion radiotélécommandé (Dingo) à une altitude de 200 mètres ou moins au-dessus du sol (AGL). L’aéromodèle a touché le bord d’attaque de l’aile du planeur à moteur à mi-chemin le long de son aile. Le dommage était tellement étendu que la moitié extérieure de l’aile droite s’est cassée dans la direction ascendante et séparée complètement juste quelques secondes après la collision, conduisant à une perte immédiate de contrôle de l’aéronef habité et à sa destruction. Suite au crash, les deux passagers à bord du planeur à moteur de tourisme ont été mortellement blessés.
Elements de conclusion de la “Collision task force” de l’EASA
[error]L’évaluation faite par le groupe de travail tient compte de la situation actuelle qui n’est pas représentative de ce que nous réserve l’avenir, en particulier si l’on considère l’évolution rapide dans ce secteur. En effet, les futurs drones auront certainement des performances accrues en termes de vitesse, d’altitude, d’autonomie et d’emport de charges utiles.[/error]
Comme prévu, les grands avions et les gros hélicoptères sont généralement plus résistants aux collisions avec les drones et leur niveau de gravité est limité pour les plus petites catégories de drones (drone très petit ou inoffensif “Harmless”: 0,25 kg ou 250 g et petit drone “small”: 0,5 kg ou 500 g). Pour les avions plus petits et les hélicoptères légers, plus de composants sont vulnérables et le niveau de gravité est plus élevé.
Le train d’atterrissage ainsi que les portes et les signalisations lumineuses d’atterrissage connexes sont censés être les composants présentant la plus faible vulnérabilité.
Plus précisément, dans le cas d’une collision avec un drone “moyen” (1,5 Kg), seul un impact supérieur à une altitude de 10 000 pieds (3000 mètres) à la vitesse de croisière est censé conduire à des effets de sévérité “élevés”. À des altitudes plus faibles, le niveau de gravité d’une collision avec un drone de cette catégorie (1,5 Kg) devrait être “faible” en raison de l’énergie cinétique inférieure à l’impact.
L’utilisation de limitation de l’altitude, telle que définie dans la spécification de la menace du drone (Drone Threat Specification ou DTS), qui pourrait être implémentée dans certains drones, est perçue comme un moyen d’atténuer les conséquences pour les gros composants d’une collision avec un drone moyen (1,5 Kg). L’utilisation de la limitation de l’altitude pour les composants tournants (moteurs, hélices et rotors) et les composants de la cellule des aéronefs à voilure tournante ou de l’aviation générale n’offrirait que peu ou pas de bénéfices.
Une collision avec la plus petite catégorie de drone (drone très petit ou inoffensif: 0,25 kg ou 250 g) devrait être inoffensive (selon la définition de «Harmless» adoptée par le Groupe de travail), du moins pour les grands types d’avions. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les conséquences pour d’autres types d’aéronefs.
Recommandations de la “Collision task force” de l’EASA
Face au risque de collisions des drones avec des aéronefs et à la suite des ses travaux, le rapport final de la “Collision task force” de l’EASA propose les trois recommandations qui suivent.
Afin d’évaluer rapidement la situation actuelle, un modèle simplifié du risque a été développé, basé sur les drones actuellement disponibles sur le marché grand public (catégorie open et drones de moins de 25 kg) et l’hypothèse que les principaux composants critiques peuvent être sélectionnés pour représenter de manière conservatrice le risque. Très peu de données existent aujourd’hui sur des événements de collisions dans toutes les études disponibles. Cette hypothèse doit donc être confirmée.
[su_spoiler title=”Recommandation 1 – Modèle analytique du risque” open=”yes” style=”fancy” icon=”caret-square” anchor=”Spoiler-1″]Le Groupe de travail recommande d’élaborer un modèle analytique du risque de collisions lié au drone qui soit une analyse plus détaillée de la construction des drones et une évaluation de la dynamique de leur comportement et de leurs composants (en particulier leurs moteurs et batteries) lors d’un choc. La recherche pourrait suivre une approche basique pour obtenir d’abord une compréhension de la physique de base de tous les sous-composant et pour ensuite envisager les composants, et éventuellement prendre en compte une mécanique complète, capitalisation des capacités informatiques et logicielles existantes et d’autres évaluation des impacts d’oiseaux, de pneus et de débris de moteurs. Pour gagner en confiance dans un modèle, la méthode doit être validée par des tests de laboratoire, mais aussi valider le comportement de certains composants des drones tels que les batteries ou les moteurs lors d’un impact. Il serait nécessaire aussi de confirmer la prédiction de la résistance (frangibilité) globale du drone. Ce modèle analytique validé pourrait être utilisé pour d’autres analyses d’impact (voir Recommandation 3).[/su_spoiler]
Les batteries LiPo contiennent des matières dangereuses telles que du lithium et des solvants inflammables, qui peuvent provoquer une réaction exothermique et des fuites en cas d’impact avec les composants de l’avion à la suite de collisions.
[su_spoiler title=”Recommandation 2 – Evaluation du risque spécifique lié aux batteries des drones” open=”yes” style=”fancy” icon=”caret-square” anchor=”Spoiler-2″]Le groupe de travail recommande qu’une évaluation des risques spécifique soit effectuée pour évaluer le comportement des batteries au lithium à l’impact avec les structures et les pièces tournantes et leur éventuelle ingestion par les moteurs à réaction des aéronefs. L’évaluation devrait, si possible, s’appuyer sur des essais et prendre en compte les risques d’explosion, d’incendie et de contamination de l’air.[/su_spoiler]
[su_spoiler title=”Recommandation 3 – Recherches plus approfondies pour établir le niveau de gravité des dangers” open=”yes” style=”fancy” icon=”caret-square” anchor=”Spoiler-3″]Le Groupe de travail recommande que des recherches plus approfondies soient menées pour établir le niveau de gravité des dangers, dont les seuils de collision entre les drones et les aéronefs habités. Les analyses d’impact doivent déterminer les effets du risque drone (tel qu’établi par la recommandation 1) affectant les composants critiques des aéronefs, éventuellement en faisant appel aux capacités informatiques et logicielles existantes et sur d’autres évaluations comme celles des impacts d’oiseaux, de pneus et de débris de moteurs.
Il est suggéré que la recherche devrait prendre en considération:
- Le niveau critique établi dans le rapport pour chacun des types de drones (4 catégories: Drone très petit ou inoffensif: 0,25 kg ou 250 g – Petit drone: 0,5 kg ou 500 g – Drone moyen: 1,5 Kg – Gros drone: 3,5 kg);
- Les paramètres des aéronefs habités (vitesse de l’avion, angles d’incidence, etc.), y compris une analyse statistique des vitesses opérationnelles typiques des aéronefs dans la plage d’altitude de 0 à 10 000 pieds (0 à 3000 mètres);
- Les composantes critiques ou zones d’impact;
- Les distributions de la vitesse d’impact le long des pales du rotor, des pales de l’hélice et des pales de la soufflante ou FAN du turboréacteur;
- Les impacts latéraux possibles (le cas échéant);
- Et, les effets secondaires de rebondissements de drones ou de débris d’un drone qui ont touché une partie rotative puis qui impacte une autre partie de l’aéronef.
Pour gagner confiance dans le modèle, la méthode devrait être validée avec des essais sur des avions représentatifs, composants de la cellule, les pare-brise et les éléments rotatifs (c’est-à-dire les rotors, les hélices et la soufflante ou FAN du turboréacteur).[/su_spoiler] [su_spoiler title=”Téléchargez le rapport final de la Collision task force de l’EASA du 04/10/2016, en anglais, au format PDF” open=”yes” style=”fancy” icon=”caret-square” anchor=”Spoiler-4″]1 MBtf-drone-collision_report-for-publication-005[/su_spoiler]

Montage photo: © Denis JEANT
Evénements liés aux drones en France et position du BEA ?
La DGAC française a dénombré 33 signalements de drones par des pilotes aux abords d’aérodromes accueillant du trafic commercial au cours de l’année 2015, et 27 autres au cours du premier semestre 2016.
Selon le rapport final BEA2016-0098 du BEA (Bureau d’Enquêtes et d’Analyses), les critères de certification établis par l’AESA (Agence Européenne de la Sécurité Aérienne) pour les différents types d’aéronefs ne considèrent que la résistance des aéronefs à une collision avec un oiseau ; il n’est pas fait mention d’autres objets volants. À titre d’exemple, les critères de certification pour les avions de la catégorie Commuter inclus dans la CS-23 requièrent que le pare-brise résiste à une collision avec un oiseau d’une masse de 2 livres (0,91 kg) à la vitesse d’approche maximale volets sortis. Il n’existe par contre aucune exigence de résistance des pare-brise pour les planeurs, les LSA (Light Sport Aeroplane), les VLA (Very Light Aeroplane) et les hélicoptères légers (moins de 3 175 kg et moins de dix passagers). Pour les avions lourds de plus de 5 700 kg, la certification exige que l’avion puisse poursuivre le vol après une collision avec un oiseau de 4 livres (1,81 kg) à sa vitesse de croisière. La même exigence s’applique pour les hélicoptères lourds après une collision avec un oiseau de 1 kg à vitesse maximale.
Selon le BEA, il n’a pas connaissance d’étude qui permettrait d’extrapoler les résultats d’une démonstration de résistance à des impacts d’oiseaux pour estimer la résistance à un impact avec un drone. Notamment, le comportement des batteries (LiPo) équipant les drones lors d’un choc avec un aéronef reste inconnu.
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